|
|
|
|
|
|
Sur toutes ses formes, il nous dit bien que, pour chaque artiste, le moi, l'égo, l'inconscient, le gestuel, sont autant de JE à cultiver, à choyer et à convaincre pour attiser continuellement le feu sacré qui préside à l'enclenchement de la mise au monde des multiplications du Soi sous diverses formes. Dans le "Testament" c'est un Georges spectaculaire d'une rare beauté. Bien campé au centre, il constitue le présent. Très attaché aux valeurs ancestrales, c'est d'abord le "portrait de famille" qui prime. Il revient ici comme le partage du passé et du futur. Le centre, c'est l'univers, la condition "sine qua non" de l'existence et de sa continuité représenté par sa progéniture: Marie-Émilie et l'attachement à ce monde représenté par le chat. Lui-même, Georges, est supervisé par un autre JE plus conscient, plus aguerri, plus expérimenté par un même Georges, plus vieux et placé dans le monde de l'avenir: je l'ai reconnu à son habit blanc. Les personnages qu'il a placé à gauche sont en fait les mêmes que ceux de droite. Tous, ses créations, tous des lui-même, sont des personnages issus de son cerveau et qui parlent du mettre et de sa vie. Il transmettent la connaissance par l'existence et ainsi va la vie... Les uns disparaissent au champ d'honneur, les autres résistent aux intempéries, vieillissent et continuent à répandre la bonne nouvelle. Ils clament ce que le mettre a répété sans cesse... Par toutes les inscriptions qui se multiplient tout en s'intensifiant, je vois St-Pierre dans tous ses élans et dans tous ses mouvements nous dire: "Soyez vigilants, gardez-vous de la matière qui se transforme et n'en soyez pas les victimes. Soyez le témoignage de la vérité." a) Fréquemment il s'offrait beaucoup de plaisir à peindre le démon sous différentes formes. Ainsi il a peint: "L'Ange de perdition", "Le curé cornu", "Le Démon violoniste", "1e Diable déguisé en sorcier", etc... chaque fois, il s'amusait à lui donner mes traits. Je me suis souvent demandé s'il n'avait pas l'impression qu'en achetant ses oeuvres, je n'achetais pas son âme... à moins qu'il n'ait eu bien d'autres raisons Cette vérité ne peut être autre chose que l'amour, l'amour qui propulse le JE dans l'éternité. L'éternité que recherche l'être humain, se trouve uniquement dans deux sphères: la descendance et les oeuvres. Voilà la source première, instinctive où Georges a puisé sa force. Le désir de propulsion à travers les temps donne invariablement la vigueur d'action. Cette conscience du moi provoque l'amour de soi et du même coup, peut engendrer l'amour des autres. La complaisance de l'abandon du tangible, pour se délecter de ce qui sort de l'intérieur, devient une jouissance intellectuelle sans comparaison. Cependant, je ne suis pas sûr que Georges a connu la plénitude de l'être récompensé à la contemplation de ses oeuvres. Quand je lis ce testament rempli d'amertume, je vois la douleur et la misère qui ont marqué non seulement le mettre, mais aussi tous ces personnages dont les yeux transmettent le désespoir. Qu'à cela ne tienne, Georges considère comme un juste malheur la souffrance et les privations nécessaires qui découlent de l'accomplissement de l'idéal tracé. Seul le trouillard recule. Vivre dans les traces sociales, suivre les ornières lui paraît incompatible avec le créateur, l'autodéterrniné. Il serait difficile de construire une société structurée avec des individus qui remettent tout en question; il en est persuadé, mais il ne nous en invite pas moins à le suivre dans son intérieur. Toujours à la recherche de l'immortalisation, il veut des personnages à son image, des êtres sortis tout droit de l'imagination. Il les veut d'apparence un peu farfelue, mais laissant entrevoir la profondeur d'une pensée, qui deviennent, avec la culture, les propagandistes des valeurs personnelles respectueuses des droits des autres. Ces personnages qu'il représente, vieillis, à barbe blanche et à cheveux blancs ne sont pas différents des autres; il sont tout simplement plus ancrés dans l'exercice de leur moi. Ils ont appris... et qui sait, si avec l'âge, le mot amour n'a pas une tout autre dimension. J'entends St-Pierre me dire: 'Dégagez des sentiers où plus rien ne pousse, soyez des entités distinctes et que vos gorges chantent l'union en empruntant les paroles de Raymond Levesque: "Quand les hommes vivront d'amour... " Ne soyons pas distraits par ces modes ou ces avant-gardistes qui suivent le vent. Laissez la musique intérieure inonder votre entourage.' Ce testament de Georges peut avoir plusieurs significations ou interprétations. Quant à sa partie picturale, on pourrait facilement imaginer que l'auteur s'est senti le centre du monde; ce qui pourrait être interprété ainsi: Autrefois étaient des gens de grande valeur qui vivaient inconnus, à travers une foule d'anonymes. Puis, arriva St-Pierre, ce grand seigneur de blanc vêtu allait révolutionner le monde. Se dégageant de la matière, ce maître sortira de l'ombre ces êtres de rare valeur. Rentrés en eux-mêmes et réfléchissant sur les vraies valeurs qui doivent régir le monde, Georges délivre de la matière tous ces personnages qui iront chanter la liberté, l'amour et son MOI à travers le monde. Georges avait compris depuis longtemps que le malheur des hommes est de s'éloigner de l'essentiel en repoussant l'amour et en ne suivant pas l'appel venu de l'intérieur. "Pourquoi vous arrêter et vous complaire dans le facile, en travaillant à vendre ou à exécuter des soit-disant créations dont le seul but est de peindre des belles petites natures qui plaisent ?" "Moi, Georges St-Pierre, j'ai préféré aller puiser au dedans de chacun ce que je voulais dire", me chuchote-t-il à l'oreille. Tout au long de sa vie, il n'a chanté que lui-même dans tous ses personnages en empruntant sur les croyances auxquelles il était attaché. Ainsi, il a voulu garder actuel notre passé culturel en traduisant à sa manière toutes ces légendes dont nos pères et nos mères parlaient avec tant de conviction. Il a su tous nous immortaliser par ses oeuvres qui racontent si bien nos us et coutumes. Repose en paix Georges, nous parlerons de toi longtemps, nous multiplierons tes oeuvres et dirons à l'univers, en ton nom, ce que tu as aimé dans ce Québec que nous aimons. Jean-Louis Gagnon
|
|||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||